Formation professionnelle : « La France est en dessous de la moyenne de l’OCDE »

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Selon Glenda Quintini, économiste spécialisée dans le marché du travail à la direction de l’emploi de l’OCDE, l’Union européenne entend encourager l’apprentissage tout au long de la vie via des actions concrètes à l’échelle du continent, où subsistent de fortes disparités.

Quelles sont les dynamiques globales qui sont à l’œuvre dans les pays européens en ce qui concerne la formation tout au long de la vie ?

La proportion d’adultes, salariés ou en recherche d’emploi, qui participent à des actions de formation est de 40 % dans les pays de l’OCDE. C’est une moyenne similaire à celle constatée dans l’Union européenne. En Europe, il existe toutefois de grandes disparités : les pays nordiques affichent d’importants taux de participation (56 % en Suède en 2015) tandis que ceux de l’Europe méridionale comme l’Italie (20 %) ou la Grèce (16 %) sont à la traîne. Mais de fortes disparités existent aussi à l’intérieur de chacun des pays, au sein des différents groupes socio-démographiques. C’est un point d’analyse important en termes de politiques économiques : même dans les pays peu performants, les salariés qualifiés s’engagent davantage dans la formation. Dans les pays où la participation est élevée, celle-ci est également tirée vers le haut par les personnes qualifiées. Quel que soit le pays, les contrastes pénalisent les adultes peu qualifiés alors même qu’ils sont les plus concernés par la nécessité de faire évoluer leurs compétences. Il s’agit d’un problème d’inclusion qu’on observe dans l’ensemble des pays de l’OCDE.

Existe-t-il d’autres facteurs de disparité ?

Des différences de participation sont également observables selon les groupes d’âge : les seniors participent moins aux actions de formation alors que ce sont surtout eux qui sont impactés par l’évolution rapide des compétences demandées. D’autre part, les personnes employées par des PME se forment moins que celles qui travaillent dans de grands groupes, où l’offre de formation mise en place est plus musclée. Enfin, des différences existent entre les secteurs d’activité : les métiers liés à la finance ou aux nouvelles technologies sont plus concernés par la formation tout au long de la vie que ceux de l’agriculture, par exemple.

Quels sont les freins à la généralisation de la formation tout au long de la vie ?

Les études que nous avons réalisées en vue d’identifier les pays qui ont réussi à faire remonter la participation montrent que celle-ci est en lien avec les efforts fournis par différents acteurs économiques pour booster la disponibilité de la formation, les congés de formation, la flexibilité et la modularité de la formation ou encore les moyens mis en place pour la financer. D’ailleurs, dans la plupart des pays européens, les freins concernent souvent les coûts indirects de la formation : transport, matériel, perte de salaire pendant la période de formation, garde d’enfants… Néanmoins, il existe de plus en plus de programmes qui prévoient des compensations et d’autres qui font de la formation un processus gagnant-gagnant. Au Danemark par exemple, il existe un dispositif qui encourage les entreprises à envoyer leurs salariés en formation en leur proposant des profils de personnes en recherche d’emploi qui viendraient les remplacer pendant ce temps d’absence. Cela permet aux demandeurs d’emploi d’acquérir de l’expérience en vue d’une future insertion professionnelle.

Comment se situe la France au sein de l’OCDE ?

Elle se trouve en dessous de la moyenne de l’OCDE avec un taux de participation global de 30 % ainsi que des disparités marquées entre groupes socioéconomiques. La différence d’engagement entre les seniors et les jeunes et celle entre les salariés peu qualifiés et hautement qualifiés (plus de 20 points de pourcentage) sont également plus prononcées que dans la moyenne des pays de l’OCDE. On y trouve également une forte disparité selon les types de contrat de travail : ce sont les personnes embauchées en CDI qui se forment le plus. Toutefois, beaucoup d’initiatives et d’investissements dans la formation sont en cours, notamment via la création de France Stratégie dont les axes de travail concernent notamment les futurs du travail, le dialogue social, la détection des tendances en matière des besoins en formation…

L’Union européenne a fait de 2023 « l’Année des compétences ». Quelles initiatives sont prévues en matière de formation professionnelle ?

La période post-Covid pose plus que jamais la question de la transition vers une économie digitale et écologique. Face aux prochains chocs sectoriels, les entreprises et les institutions doivent faciliter ces transitions. Dans ce contexte, la Commission européenne s’est donné des objectifs clairs en vue d’atteindre 50 % de participation d’adultes d’ici à 2030. Parmi les dispositifs mis en place figure le Pacte pour les compétences, qui a été créé en 2020 et a franchi en décembre 2022 la barre des 1000 membres : multinationales, PME, prestataires locaux de formation, syndicats ou encore chambres de commerce. Tous devront continuer de s’engager pour une meilleure qualité de la formation et davantage d’inclusion. Des programmes comme Erasmus +, qui permet la mobilité des apprenants de la formation professionnelle en Europe, sont utilisés activement par les pays européens. Enfin, le 16 juin 2022, le Conseil de l’UE a adopté une recommandation sur une approche européenne des micro-certifications. Le but est de soutenir la reconnaissance de ces dernières dans l’ensemble des institutions, entreprises et secteurs, par-delà les frontières.

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