Comment penser un numérique éducatif et inclusif ?

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La question de la lutte contre les fractures sociales, numériques et éducatives est au cœur des enjeux de société. Elle fait l’objet d’un plan de financement de l’État dans le cadre de France 2030, notamment à travers des actions de soutien en faveur des EdTech. Comment, dans ce cadre, penser ces enjeux sous le prisme du numérique éducatif ? Les réponses d’Alice Bouteloup, responsable de programmes éducation France 2030 à la Banque des territoires.

Quelle place le numérique tient-il dans le programme France 2030 ?

France 2030 est un plan d’investissement visant à transformer durablement certains secteurs clé de l’économie. Dans le domaine de l’éducation, France 2030 accompagne aussi l’innovation pédagogique en favorisant la co-construction et l’adoption de solutions numériques avec les EdTech. La Banque des territoires, opérateur de France 2030, œuvre à mettre en place la stratégie d’accélération « Enseignement et numérique » au travers notamment des démonstrateurs territoriaux que sont les 12 Territoires numériques éducatifs (TNE). Via un marché dédié, ce sont 69 solutions portées par 34 acteurs de la filière qui sont mises à disposition des élèves et des enseignants dans le cadre d’un marché public porté par Réseau Canopé et financé par France 2030. Nous accompagnons ainsi la mise en place d‘actions de formation, d’équipement, de mise à disposition de ressources et d’accompagnement des familles en situation d’éloignement numérique. Par exemple, dans le Cher, le numérique est pensé en lien avec la question de l’inclusion puisque le territoire cible particulièrement les jeunes filles, sous-représentées dans les filières numériques, et les publics à besoins particuliers.

Quels sont les principaux enjeux qui se posent au regard de la question de l’inclusion ?

L’inclusion concerne toute action qui vise à mettre fin à une exclusion. Celle-ci peut être liée au milieu social, au handicap, au genre… Elle fait ainsi émerger des problèmes sociaux majeurs comme le décrochage scolaire et l’éloignement du marché de l’emploi. Transposé à l’actualité de l’éducation, ce phénomène renvoie à une question essentielle : comment penser le numérique éducatif sous le prisme de l’inclusion ? Aujourd’hui, la France compte 13 millions de personnes éloignées du numérique. L’enjeu est que les 12 millions d’élèves aujourd’hui ne soient pas dans cette situation demain. Le déploiement du numérique éducatif doit ainsi s’appuyer sur une liste de pré-requis pour être vraiment vecteur d’inclusion : il est par exemple nécessaire de s’appuyer sur la fourniture d’un équipement adapté et sur l’accompagnement dans l’appropriation des outils, que ce soit auprès des enseignants, des élèves ou de leurs parents. Renforcer les liens parents/école est un préalable à la prévention du décrochage scolaire. Par ailleurs, c’est lorsque le numérique éducatif est tourné vers l’intérêt général et qu’il se fonde sur une démarche inclusive qu’il peut devenir un levier d’efficacité pour former les citoyens de demain. C’est d’ailleurs le principe directeur qui guide la Banque des territoires dans ses actions de soutien de la filière EdTech.

Quelles sont, justement, les actions que la Banque des territoires continuera de mener en 2023 en faveur des EdTech ?

La Banque des territoires poursuit sa dynamique de prise de participation et de financement d’entreprises EdTech qui s’engagent à produire un impact social et dont la motivation est de permettre à chacun d’apprendre dans les meilleures conditions, dans tous les territoires et tout au long de la vie. Nous visons en particulier un modèle B-to-G (business to government) pour répondre aux besoins des collectivités en garantissant la gratuité des solutions pour les bénéficiaires finaux : enseignants, élèves, établissements scolaires. Notre programme d’accélération, Passerelles, est ainsi toujours en cours : nous accompagnons 10 entreprises dans leur passage à l’échelle et pour les aider à mieux se repérer sur le marché de l’éducation nationale. D’autre part, nous avons investi dans l’entreprise Colori, qui accompagne les enfants pour mieux comprendre le numérique sans recours à l’écran en s’adressant en particulier aux QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville) et aux filles, ou encore dans la société MOBiDYS, qui rend la lecture accessible aux DYS.

Vous soutenez donc aussi des entreprises qui ne s’appuient pas directement sur l’usage d’équipements numériques…

Nous soutenons en effet des EdTech qui s’appuient sur un modèle « sans écran » et qui jouent un rôle clé dans le développement de certaines compétences chez l’enfant en appui aux approches pédagogiques mises en place par les enseignants.  Le défi d’une société qui souhaite faire face au phénomène de la surexposition aux écrans consiste à sensibiliser et à accompagner les jeunes à s’approprier les outils numériques en en faisant un vecteur d’opportunité de développement de compétences. Le numérique permet, par exemple, une meilleure individualisation des apprentissages, l’organisation de nouvelles approches pédagogiques en classe… Les enseignants, les élèves et leurs parents doivent ainsi être en mesure d’identifier, via le numérique, les opportunités d’accéder à des connaissances et à l’emploi, donc d’apprendre à faire du numérique un vecteur d’insertion. C’est un défi social complexe qui doit impliquer une collaboration renforcée entre l’État, les collectivités, les équipes éducatives, les entreprises privées et les associations.

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