« Préparer un cours en recourant à des outils numériques est chronophage », Louisiana Ruppert

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Enseignante de SVT pendant 15 ans, Louisiana Ruppert a très tôt pris en main les outils numériques pour engager ses élèves dans leur parcours d’apprentissage. Une expertise qu’elle met aujourd’hui au service de la sphère des EdTech, depuis qu’elle a intégré, en 2022, l’équipe de la Librairie LDE en tant que chargée de pédagogie numérique.

Pourquoi, au cours de votre parcours d’enseignante, vous êtes-vous intéressée au numérique ?

Les SVT sont une discipline propice à l’acculturation au numérique. Dans le bulletin officiel, les élèves doivent maîtriser certains logiciels pour préparer leur Bac. Dès le collège, on essaie donc de proposer de l’expérimentation assistée par ordinateur puisque l’appropriation de certains outils simplifie la compréhension de mécanismes parfois abstraits pour l’élève : les mécanismes moléculaires ou géologiques par exemple. Ces phénomènes mettent en jeu des forces, des conditions de température et de pression que les élèves n’arrivent pas à s’imaginer si on ne les leur montre pas. J’ai ainsi voulu – mais également dû – intégrer les outils numériques à mes pratiques. Cela n’a pas été contraignant lorsque j’ai rejoint l’AEFE pour enseigner à l’étranger. Dans les lycées français de l’étranger, les élèves sont presque tous équipés d’un ordinateur. Dans ce cadre, ce n’est plus la question de l’intégration du numérique qui se pose mais celle de savoir quels sont les outils les plus pertinents à proposer aux élèves, de leur conformité au RGPD et de leur accessibilité.

Pouvez-vous donner quelques cas d’usage du numérique en SVT ?

Google Earth, grâce aux paramétrages qu’il permet de réaliser, est très parlant pour faire prendre conscience aux élèves certains phénomènes climatiques. Cet outil m’a permis de les inciter à réfléchir aux conséquences du réchauffement climatique sur les littoraux, l’élévation du niveau de la mer… Dans les classes où les élèves n’étaient pas tous équipés, j’ai par exemple mis en place des ateliers tournants autour des postes informatiques de la classe. Le numérique n’étant qu’un outil parmi d’autres, j’essayais de l’utiliser dans le cadre de tâches pédagogiques complexes ou d’activités qui doivent avoir comme support différents médias.

Quel est l’impact du numérique sur vos élèves ?

Le numérique leur permet de bénéficier d’une différenciation des activités. Par exemple, en parallèle de mes ateliers Google Earth, je mettais en place, autour d’un autre groupe d’élèves, des activités en mobilisant un autre outil, Genially, qui m’a permis d’illustrer l’impact du réchauffement climatique sur la biodiversité via différents supports : vidéos, articles de presse… Les élèves devaient mener l’enquête. Surtout, tout le contenu leur était déjà donné : je n’étais donc plus debout, devant eux, pour le leur fournir de manière magistrale. J’étais assise à côté d’eux pour les accompagner en fonction de leurs besoins. Dans ces contextes, les questions qu’ils posent sont beaucoup plus pertinentes puisqu’ils construisent le cours par eux-mêmes. En cela, l’enseignant peut être déstabilisé dans un premier temps. Il doit notamment veiller à identifier les outils les plus intuitifs pour ne pas perdre de temps à expliquer à ses élèves comment les utiliser.

Comment, justement, les enseignants peuvent-ils identifier les contextes où le numérique peut être mis à profit ?

Préparer un cours en recourant à des outils numériques est chronophage. Il faut donc viser les séances où la ludification des pratiques peut rendre les élèves acteurs de leur apprentissage. Le numérique est pertinent lorsqu’il est nécessaire de donner du rythme à la séance et qu’il peut permettre de répondre aux besoins d’un certain nombre d’élèves qui seraient plus sensibles aux médias, à l’aspect visuel ou interactif d’un cours pour mieux se l’approprier. En SVT, l’application Foxar, qui propose des maquettes en réalité augmentée, permet par exemple aux élèves d’entrer au cœur d’un volcan. Toutefois, mobiliser le numérique trop souvent serait contre-productif parce qu’il est nécessaire de varier les formes d’apprentissage.

Vous mettez maintenant votre expertise au service de la LDE. Pour quelle raison ?

Depuis 2022, je suis responsable du projet PopLab développé par la LDE. Il s’agit d’une plateforme pédagogique créée par les enseignants pour les enseignants en vue de les aider à préparer leurs cours, centraliser et mutualiser leurs contenus numériques via notamment une fonction de collaboration entre pairs et avec les élèves. Si je fais partie de ce projet, c’est parce que j’ai estimé important que la sphère des EdTech puisse être éclairée par des points de vue utilisateur et ainsi développer des outils qui soient au plus près des besoins des enseignants. Lors de réunions de stratégie d’entreprise, on me demande ainsi mon avis sur l’utilité de certaines fonctionnalités. L’objectif est que PopLab ne soit pas un gadget mais un outil qui se situe au cœur de l’écosystème de travail de l’enseignant, c’est-à-dire un moyen permettant de répondre aux « irritants » de son quotidien, comme la dispersion des outils (PowerPoint, vidéos…) dont il a besoin.

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